Il n'y a rien de beau dans la douleur et la tristesse.
-Mort avant de naitre-
Ma douleur passe au compte-goutte,
comme le café qui se charge de noir
et tombe derniere goutte, puis encore une, la derniere,
comme si cela devait toujours etre la derniere ;
et qui tombe parfois a contre-temps,
meme longtemps apres ;
le plus gros est epongé,
reste en suspend, fait masse,
se vide si l'on presse,
goutte a goutte,
noir,
ou si l'on continue d'y verser sa peine
Sa douleur est fontaine,
feu,
effusion,
ne semble pas devoir s'arreter
et ma douleur demande l'oubli,
la solitude,
que personne ne la ravive ;
et sa douleur demande qu'on l'epuise,
la compagnie,
quelqu'un pour la deverser
L'un/{le celibataire} est libre de deriver, il ne sait
pas, n'en souffre pas, n'en fait pas souffrir ;
le couple gagne/{donne a chacun} un lien au monde, qui
lui permet de ne pas deriver, qui l'expose a l'angoisse de perdre ce lien
;
au dela, des la famille triangulaire, chacun permet d'etre
liberer de cette angoisse, car la perte de l'un signifie la perte d'un
seulement et laisse les autres, et un lien suffit, mais ce ne peut etre
soi qui le donne.
- - -
C’est un autre ventre qui se vide
Mais c’est toujours la même injustice
La vie qui a encore tramé un de ses sales tours
Et il faudrait penser à autre chose
A sept mois, déjà, on est bien formé
On ouvre les yeux,
On se tend, on s’étire
On souffre, on crie
Si on n’est pas conscience
On est vie
J’ai vu le corps de ma fille
A moins de six mois
Moins d’une livre
Un enfant, aussi chétif soit-il,
Ne me fait plus peur
Mauvais élève de la maternité
Je sais qu’entreprendre une grossesse
C’est attendre de mauvaises nouvelles
Je sais que la nouvelle sera triste
J’espère juste qu’elle arrivera le plus tard possible
Je ne peux plus m’effondrer
Les annonces définitives ne font plus que griffer
Le carcan de béton où mes sentiments ont figés
Les bonnes nouvelles me laissent de coté
Je suis décalé, déphasé
C’est irréel
La réalité c’est mise à distance
Je ne la ressens plus
Ou par un filtre étrange
La douleur vient avec les gens
L’amour qu’on leur porte se transforme en pointe au cœur
L’attachement est une chose lente
Qu’il ne faudrait pas accorder à ce ventre
C’est la mère qui n’est plus mère
Qui reçoit mes larmes
Et son ventre, et ses seins
Qui porteront encore longtemps
Les traces du destin
Et pourtant faire un enfant
Cela n’est rien
L’élever, vivre avec lui
Quatre ans, vingt ans
Voilà l’important
Là que se trouvent les vraies joies
Les vraies peines
Mais on ne peut pas se résoudre à oublier si vite
Cet espoir qui devait naître
Maudit,
Autours de moi, il y a moins de naissances heureuses
Que de drames assourdissants
Et s’il faut quand même faire des enfants
C’est bien malgré cela
Contre cela
En se préparant à souffrir
Et à chaque maladie, à chaque fièvre
Tout revient
C’est dur d’élever un enfant
J’aimerais être femme
Pour partager et soulager
Dire que ce n’est pas toujours comme cela
Mais qu’il faut faire avec
Et je mets ma main
Sur son ventre à elle, à ma fille
Et je sens la vie
Sa vie à elle, sa chaleur
Et l’amour qui passe
L’amour des hommes
Ici et là, partout
Entre les générations
Pour toute l’humanité
Pour vous