Lorsque j'étais étudiant j'aimais montrer ce paquet
à qui le demandait, non pas parce que j'en étais fier (et
ce n'est pas le cas, sauf pour qlqes uns), mais par gout de la provocation,
de la révolte et surtout parce que c'etait une occasion de parler
d'autre chose (cf suite). Revolte contre ceux qui conservaient leurs secrets
bien cachés. Provocation vis à vis du destin : je me suis
toujours demandé ce qu'il allait arrivé si l'on avait fait
quelque chose d'inhabituel, contraire aux usages ; pourquoi les pratiques
sont ainsi codifiées qu'il semble impossible d'y deroger, sous peine
de dechéance immédiate (une angoisse infondée je crois).
J'ai rencontré ma femme comme cela, et quelques personnes dont je
me rappelle avec emotion. Ce sont des dessins d'enfants, d'une certaine
maniere. Je n'ai jamais su peindre, ecrire, dessiner, j'ai toujours agis
comme un 'sauvage'. Ne connaissant aucune
technique, j'ai constamment essayer d'echapper à toutes celles que
je créais et qui me semblaient trop perceptibles. En voyant Dubuffet,
les peintres contemporains, j'avais envie de jouer le nombre, la volonté
et le seul sens esthetique de l'observateur, contre la technique, en esperant
que parmi 100 dessins, il puisse s'en trouver un ou deux qui me plaise,
par hasard. Beaucoup de ces dessins sont tres pauvres, tres rustiques,
c'est que l'idée du dessin me suffisait, et que j'esperais qu'un
jour je me servirais de ces idées, comme de brouillon de travail,
pour faire qlq chose de plus aboutit (mais aujourd'hui encore, je ne fais
que les premieres esquisses, les brouillons pour de futurs peintures, pour
le jour ou j'aurais plus de temps que d'idée).
En fait montrer cette masse de dessin avait qlq chose de magique
c'est comme si l'echange avec la personne à qui l'on montrait la
pile de dessin entrait dans la sphere de l'intime -alors que je n'ai
jamais su penetrer/sortir de l'intime ... comme s'il n'y avait que l'intime
( je n'ai jamais su sortir de ...) mais jamais assez d'intime ( je n'ai
jamais su penetrer ...)- mais il y avait qlq chose qui me mettait mal
a l'aise, c'est comme si j'avais donne les cles qui menent a l'intime et
que ces cles avaient de la valeur, du prix, ors, ce don ne me demandait
pas grand chose, et c'est donc comme si j'attirais qlq'un dans un traquenard
en lui faisant croire qu'il avait un privilége, oui, il allait entrer
dans la sphere de l'intime, c'est le lieu ou je le voulais, mais il allait
y entrer en croyant que c'etait lui qui profitais d'une occasion rare,
alors que c'etait plutot moi qui était heureux qu'en acceptant une
entree en matiere faussement innocente et intime qu'ils permettaient que
l'on entre à deux dans ce lieu. L'art, semble un sujet de discussion
personnel,
ou l'on ne meutrit pas celui qui n'est pas de son avis (comme si l'adage
"des gouts et des couleurs' autorisait de maniere absolue les opinions
differentes). Comme j'avais pris deja une certains distance avec mes dessins,
on pouvait meme me dire que l'on n'aimait pas, je n'etais pas choqué,
souvent meme j'etais d'accord, et c'est plutot quand on me disait apprecier
que je m'etonnais ...
Non je ne suis pas particulierement fier de ces dessins, je n'en ai pas honte parce que je n'ai envie d'avoir de jugement negatif sur aucun dessin ou oeuvre artistique ou creatrice (dans l'acte de creer il y a cela que l'on avance a l'inconnu sans savoir ou l'on va, ce que l'on va obtenir, comment juger un acte qui ne savait pas ce qu'il etait ? Et puis juger negativement une oeuvre d'art -et inevitablement l'artiste- c'est comme juger un enfant -un enfant est irresponsable- un artiste n'est pas completement maitre de ce qu'il fait -il provoque le hasard- et il doit avoir la liberte de tenter des choses qui semblent absurdes, laides ou insignifiantes -et c'est son role- s'il veut 'decouvrir' ; ensuite il aurait pouvoir de detruire son travail s'il trouvait qu'il ne correspond pas a son idee d'une oeuvre d'art, mais c'est placer son jugement au dessus de celui d'autrui, et faire preuve d'un instinct de propriete étonnant -enfin, presque) Je n'ai jete aucun de mes dessins, il se peut que j'en ai perdu, égaré, mais que ce soit l'instinct de conservation, de capitalisation ou le respect des oeuvres d'art, ils sont tous là (sauf ceux qui passent pas dans le scanner).
Je n'aurais pas le plaisir de discuter avec vous en regardant ces
dessins, de les redecouvrir en même temps que vous les découvrez,
j'en suis un peu triste (cependant, à force des les scanner, et
de les travailler, j'ai beaucoup vu ces dessins dernièrement, j'ai
redecouvert et decouvert des choses). Mais je vous invite à une
autre jeux -pas celui du tete à tete- je vous invite à donner
un titre aux dessins qui ont su vous accrocher l'oeil. Il se trouve que
ces dessins (comme l'ensemble de mes dessins) n'ont pas de titre, je suis
incapable de leur en donner un, pour moi ils sont dessins, tout simplement,
j'ai bien parfois qlq mots en tete pour les décrire ou les appeller,
mais ces mots ne sont pas nés du meme soucis creatif que les formes
et les couleurs. Il me semble que si je devais mettre un titre à
ces dessins, il me faudrait faire un effort artistique, creatif que je
n'ai jamais fait, qui serait littérature, peut-etre
un jour je m'y consacrerais ? Mais pour le moment, c'est à vous
de m'aider, de participer à ces dessins. C'est une idée qui
m'est venu il y a quelques années (1994 ?) avec/pour ma femme, que
celui qui regarde ces dessins et est emus par l'un d'eux pourrait enrichir
le dessin de cette emotion en désignant le dessin et en lui donnant
un titre. Evelyne a été le première a donner quelques
titres (beaucoup, je suis en train de les recenser pour en faire une présentation
électronique). Comment faire ? c'est simple, il suffit de m'envoyer
une petit mail avec le nom du fichier du dessin
et son titre.
D'une certains manière, j'ai le sentiment qu'un dessin venant de moi avec un titre venant de vous, constitue une sorte d'oeuvre collective qui dépasse ce que je pouvais faire tout seul, et dilue la responsabilité et la propriété de l'oeuvre finale. Et l'oeuvre me semble d'autant plus collective (et fusionnelle) que le titre a été donné en harmonie avec le dessin, non dans une demarche personnelle de l'auteur complètement indépendante de la démarche du dessinateur. D'une certaine maniere, celui qui regarde un dessin, reconstruit le dessin au fur et a mesure qu'il le decouvre et le comprends, l'assimile -ce qui est independant de l'emotion, souvent premiere, qui nait avec le dessin. Lorsque l'emotion et le travail de reconstruction cohabitent, le titre, si titre il y a, nourrit le dessin, participe à une oeuvre où le dessin et le titre sont les deux éléments. Si le dessin et le titre participent de deux projets indépendants, qui s'ignorent, l'oeuvre reste collective, mais s'effectue juste par juxtapositions de deux oeuvres ... A mi-chemin il y a le detournement ... (en matière d'oeuvre collective il faudra que j'ecrive quelque chose de plus clair et de plus complet un autre jour ...)
$$CPT$$